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L’HÔPITAL
Classé Monument historique le 12 mars 1962, et acheté par le département des Pyrénées-Atlantiques le 12 avril 1983, l’ancien hôpital peut être considéré comme le noyau fondateur de ce qui deviendra le village de Lacommande.
Quand l’hôpital fut-il bâti ?
On ne sait pas exactement quand débuta et finit la construction de l’hôpital. Par contre, il existe quelques repères fiables, à commencer par la charte albertine de 1128. Cette dernière nous indique qu’en 1128, l’hôpital et une maison sont déjà construits et que le litige entre Gaston IV et le seigneur de Bedosse sur la propriété du sol a déjà fait l’objet de « longues querelles ». D’ailleurs, lors de la signature de la charte, le seigneur de Bedosse est décédé et Gaston IV traite avec ses descendants. On peut en déduire que l’hôpital et la maison avaient été achevés plusieurs années auparavant.
L’autre date butoir nous est fournie par le cartulaire de Lescar rapporté par Pierre de Marca. On y apprend que Gaston IV, dès son retour de croisade, entreprend une réhabilitation de Lescar, tant au niveau de sa gestion que de ses équipements. En particulier, il fonde un hôpital en 1101 et aménage un pont sur le gave de Pau en 1102 afin de faciliter le passage vers Oloron. Il s’emploie ensuite à régler quelques litiges avec des voisins belliqueux et on retiendra l’entrevue de Diusse avec le comte d’Armagnac en 1104, année où commence le règne d’Alphonse I en Aragon. Les problèmes les plus urgents ayant été réglés et son implication dans la Reconquête n’étant pas encore à l’ordre du jour, on peut supposer que Gaston IV a poursuivi la structuration de son territoire en fondant des hôpitaux. Outre Aubertin, on peut évoquer Gabas, Mifaget, Lespiau, l’Hôpital-Saint-Blaise, Saint-Christau,…tous lieux d’importance secondaire par rapport à Morlàas, Lescar et Oloron, mais qui joignent ces pôles entre eux et avec le prieuré de Sainte-Christine-du-Somport. Les fondations de l’Hôpital-Saint-Blaise et de Sauvelade sont orientées vers d’autres cols des Pyrénées et, en particulier vers celui de Roncevaux.
En conclusion, l’hôpital était certainement construit en 1125 et sa construction, ou du moins son projet de construction, aurait vu le jour dans les années 1105-1110. Faute d’informations plus précises, nous pensons qu’il est plus prudent d’englober le début et la fin de la construction de l’Espitau deu Faget d’Aubertii dans le premier quart du XIIe siècle.
Pour qui l’hôpital fut-il fondé ?
Il n’est pas douteux que Gaston IV et sa femme Talèse ont porté un intérêt particulier à l’hôpital-prieuré du Somport dès le début du XIIe siècle et qu’ils ont fondé plusieurs hôpitaux en Béarn pour les placer sous le contrôle de ce prieuré de Sainte-Christine-du-Somport.
Dans quel but ?
Pour accueillir les pèlerins de Saint-Jacques en Galice clament de nombreux auteurs, bien que le passage des jacquets par le Somport reste extrêmement peu documenté. En tout cas, beaucoup moins que celui par Roncevaux. L’hôpital de Roncevaux, qui fut aussi, au début du XIIe siècle sous le contrôle du prieuré de Sainte-Christine, passe sous le contrôle du roi de Navarre et de l’évêque de Pampelune dès 1137. Il construit son propre réseau et devient le passage préféré des pèlerins, au minimum dans la proportion des trois fameux chemins qui se rejoignent à Ostabat et du seul chemin d’Arles qui passe par le Somport. Sans compter qu’un pèlerin qui se retrouve à Lescar, Lacommande et même Oloron peut très bien continuer par ce qui est appelé aujourd’hui la voie du Piémont vers Saint-Jean-Pied-de-Port. Son chemin jusqu’à Puente-la-Reina sera plus court d’une centaine de km et passera par un col moins élevé de presque 400 m. Le « camino aragonés » jusqu’à Puente-la-Reina est lui-même alimenté par des voies du Piémont en provenance de Catalogne. A l’heure actuelle, on comptabilise cinquante fois plus de pèlerins à Saint-Jean-Pied-de-Port qu’au Somport. La proportion était-elle si différente aux XIIe et XIIIe siècles ? On ne dispose d’aucun élément chiffré permettant d’en juger.
Par contre, il est logique que la vicomté de Béarn et le royaume d’Aragon aient porté un grand intérêt à une jonction par le Somport dans le cadre de la Reconquête. L’hôpital d’Aubertin doit alors être vu comme un refuge et un relais pour une variété de gens incluant, outre les pauvres et les pèlerins, des hommes d’arme, des religieux, des commerçants, des colons, bref, tous ceux qui allaient en Espagne et en revenaient, pour leurs propres affaires ou dans l’intérêt logistique de la Reconquête. L’expression que l’on retrouve le plus souvent dans les textes porte sur l’accueil des pauvres et des étrangers (pauperum et peregrinorum). Les pauvres sont systématiquement cités avant les « étrangers », le sens de peregrinus englobant sans doute à cette époque, outre le sens premier d’étranger, celui de voyageur et de pèlerin.
Ce qui est exceptionnel, c’est que l’hôpital d’Aubertin a fonctionné depuis sa fondation jusqu’en 1790, c'est-à-dire sur presque 7 siècles, avec seulement une interruption de quelques dizaines d’années au moment de la Réforme. Jusque vers les années 1580, il était tenu par des chanoines réguliers de Saint-Augustin. Vers 1640, les Barnabites le reprirent en main jusqu’à la Révolution. A toutes les époques, les textes signalent la présence de donats au service de l’hôpital. Les témoignages deviennent beaucoup plus précis au XVIIIe siècle à travers les registres paroissiaux. C’est alors qu’apparaît, dans la liste des décès à l’hôpital, outre de pauvres mendiants, deux pèlerins en 1727 et 1749.
Le bâti
Le bâtiment a subi diverses transformations au cours des siècles pour constituer finalement un ensemble imposant qui occupe une surface intérieure de 22,4 x 7,55 m2 et s’élève sur 3 niveaux jusqu’à plus de 13 m au faîte.
Propriété de la famille Peyré depuis la Révolution, il fut transformé en grange et chai. En 1982, il était en piteux état, comme l’indique le relevé ci-dessous
Extrait d’un relevé effectué en août 1982 par F. Corouge, architecte en chef des Monuments historiques. Les lignes pointillées horizontales indiquent le niveau des planchers intérieurs.
Façade occidentale de l’hôpital rénové
avec indication de trois stades possibles de construction
Façade orientale de l’hôpital donnant sur l’ancien cimetière. L’appentis servant de promenoir est de construction très récente.
D’après Pierre Tucoo-Chala, plusieurs étapes de construction peuvent être identifiées sur la façade occidentale. La zone « a » correspondrait à la construction primitive jusqu’à une hauteur d’environ 3,80 m. La zone « b », constituée d’un appareil en briques, serait venue surélever la construction précédente d’environ 1,80 m et la rallonger vers le sud d’environ 4 m. Cette extension aurait été effectuée au tournant des XIVe et XVe siècles. La zone « c » paraît postérieure, mais elle était très endommagée avant restauration.
Cette description, et le fait que l’église initiale était plus courte d’environ 5 m, laisseraient supposer que l’entrée principale de l’hôpital se trouvait à l’origine sur son mur nord, tout près du porche primitif de l’église.
La partie la plus vulnérable de l’hôpital est évidemment son toit. Son entretien a dû être un souci à toutes les époques, comme pour n’importe quel autre bâtiment. Une opération de rénovation effectuée en 1761 par les Barnabites nous est parvenue. Voir Devis-de-reparation. Elle porte sur l’hôpital et sur la maison du commandeur et nécessite pas moins de 12 000 bardeaux (arrèdjes en béarnais) qui sont fixés avec des pointes de buis (clabuches). Une telle couverture peut durer jusqu’à un siècle. La dernière couverture en date, vers 1985, a été effectuée avec des bardeaux de chêne. La fixation par des clabuches peut être vue dans la partie du promenoir adossée au mur sud de l’église.
Une troisième vie
Après avoir fonctionné comme un hospice pendant presque 7 siècles, puis comme un bâtiment agricole de 1790 aux années 1950, le bâtiment connait une troisième vie dans le cadre d’un partenariat entre le Département, la commune et la Maison des Vins. Il est utilisé pour des expositions et des concerts, le deuxième étage étant réservé à des réunions et conférences dans une salle fort bien aménagée.
A la naissance de cette troisième vie, il a malheureusement été baptisé « commanderie » alors que dans tous les textes antérieurs à 1962, il était tout simplement appelé hôpital (ou Espitau). Si l’on voulait rester fidèle à l’histoire, il faudrait même revenir à l’ancienne terminologie d’ « hôpital de la commanderie d’Aubertin ». C’est évidemment impraticable, d’autant que le risque de confusion avec l’actuel village d’Aubertin est grand.
L’exactitude, la simplicité et la défense de la langue locale, plaideraient plutôt en faveur d’un Espitau de Lacommande qui serait le pendant béarnais de l’Ospitalea basque d’Irissary dans la panoplie des possessions du Département.